
Le légal, crucial face à la réglementation
Alors que le cadre réglementaire ne cesse de se renforcer, les responsables juridiques sont plus sollicités que jamais. Leurs enjeux ? Prévenir les risques, sécuriser le business et soutenir le développement de l’activité au-delà des contraintes. Pour cela, ils doivent se positionner au plus près des dirigeants, pour les sensibiliser et les accompagner.
Ces dernières années, l’environnement légal et réglementaire, au Luxembourg et plus généralement en Europe, s’est considérablement complexifié. Les entreprises doivent se conformer à davantage d’exigences et mieux appréhender des risques nouveaux. Dans ce contexte, au cœur des organisations, le rôle des responsables juridiques a considérablement évolué. Il semble loin, le temps où leurs principales missions relevaient essentiellement du droit du travail et du droit commercial. Aujourd’hui, les juristes en entreprise, par la force des choses, sont amenés à traiter une plus grande variété de sujets. « En tant qu’entité réglementée, supervisée notamment par l’Institut Luxembourgeois de Régulation et la Commission de Surveillance du Secteur Financier, nous sommes en effet confrontés à un nombre croissant de sujets, confirme Myriam Brunel, Legal & Regulatory Director au sein de Proximus Luxembourg. La complexification du cadre réglementaire, en raison d’une accumulation de strates successives de textes, fait que nous sommes toujours plus sollicités, bien que les équipes juridiques ne soient pas pour autant plus développées. »
Impacts opérationnels
L’adoption du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) a sans doute marqué un tournant important dans la transformation de l’environnement réglementaire. Entré en vigueur au printemps 2018, il exigeait de toutes les entreprises qu’elles prennent un ensemble de mesures en matière de préservation de la confidentialité des informations personnelles des citoyens européens, mais aussi qu’elles garantissent de nouveaux droits à ces derniers. « L’application d’un tel règlement implique une évaluation des traitements de données à l’échelle de l’entreprise, mais aussi une adaptation de l’organisation, voire une refonte de certains processus, commente Myriam Brunel. Surtout, la réglementation induit de nouveaux risques, financiers mais aussi réputationnels, liés à des sanctions importantes en cas de non-conformité. »
Les responsables juridiques se souviendront sans doute avec un brin de nostalgie des discussions, commentaires, craintes et sueurs froides qu’a suscité cette réglementation relative à la protection des données personnelles. Ce n’était toutefois que le début d’une déferlante de textes. « Les réglementations ne cessent d’évoluer, de se renforcer, de se complexifier. Autour des services numériques que nous proposons, on peut évoquer le Data Act, l’AI Act, DORA - relatif à la résilience opérationnelle des services numériques - ou encore NIS2, portant sur la cybersécurité des opérateurs essentiels, ajoute Myriam Brunel. À cela s’ajoutent de nouvelles exigences liées à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Et sur des enjeux plus fondamentaux, le droit du travail ou encore le droit de la concurrence évoluent aussi, avec par exemple des mesures de prévention liées au harcèlement ou à la fraude. »
Anticiper les futures exigences
Non, décidément, les responsables juridiques n'ont pas le temps de s’ennuyer. Face à ces évolutions et aux nouveaux risques induits par le renforcement réglementaire, la fonction juridique joue un rôle de plus en plus stratégique. « L’un des premiers enjeux est de permettre à l’entreprise d’anticiper ces évolutions. Cela passe par une veille juridique renforcée, afin de bien aborder les nouvelles obligations, ainsi que les risques et opportunités qui peuvent en découler, poursuit Myriam Brunel. Il nous revient d’éclairer l’horizon des dirigeants, de les prévenir des enjeux futurs le plus tôt possible. »
Mais au-delà d’identifier les nouvelles attentes, le service juridique doit aider l’entreprise à se préparer. Et la tâche est loin d’être simple. « Les textes sont nombreux et, on le constate régulièrement, de moins en moins clairs. Souvent, les spécifications techniques fournies par les autorités, qui permettent de préciser le niveau d’exigence attendu, arrivent alors que le règlement est déjà censé s’appliquer. Dans ce contexte, nous devons travailler aux côtés des équipes opérationnelles pour les informer, les sensibiliser, leur préciser les attentes à partir des informations dont nous disposons. Puis, au fil des éclaircissements, il nous appartient de les aider à adapter les mesures prises. »
Accompagner les transformations
Les nouvelles exigences réglementaires ont des impacts sur l’organisation, les opérations ou encore la manière d’interagir avec clients et partenaires. Pour les équipes juridiques, il s’agit d’accompagner ces transformations. « Nous ne pouvons pas nous contenter de dire ce qui est permis ou interdit. Au regard des règles et du droit en vigueur, notre rôle est aussi de trouver des solutions créatives pour soutenir les objectifs de l’entreprise, d’accompagner le développement du business », assure Myriam Brunel.
Afin de bien relever ces défis, les responsables juridiques bénéficient d’une attention croissante de la part des dirigeants. « Dans ma fonction, je siège au comité de direction. Cela me permet de mieux comprendre les enjeux business tout en sensibilisant à l’impact des réglementations, précise la dirigeante. Je pense que, pour des entités régulées, c’est essentiel de considérer ces aspects au plus haut niveau. Notre rôle est d’identifier les risques, de sécuriser et soutenir le business. Pour cela, il faut pouvoir sensibiliser les dirigeants et envisager les opportunités au-delà des contraintes. Le dialogue avec les membres du comité et les responsables opérationnels est crucial pour élaborer les meilleures solutions. »
Le département juridique, au-delà de la rédaction des contrats et de la documentation encadrant les relations clients et partenaires, doit aussi traduire les exigences en mesures opérationnelles et de contrôle, au cœur même de l’organisation. Il est un véritable partenaire de la transformation.
Parce que le droit octroie un certain niveau de latitude aux organisations, qu’il est aussi sujet à interprétation, c’est autour de la dimension risque, beaucoup plus importante aujourd’hui, que s’articulent les discussions entre les dirigeants et le département juridique. De cette manière, des arbitrages éclairés, tenant compte du contexte, doivent pouvoir être effectués.
Maîtriser de nouveaux sujets
Pour les équipes juridiques, la diversité croissante des réglementations implique une montée en compétences. « Beaucoup de textes récents concernent l’usage des technologies. Pour nous, formés initialement au droit civil, commercial, du travail ou de la concurrence, ce sont des domaines nouveaux, très techniques. Afin de garantir le respect du droit tout en soutenant l’activité, il est indispensable de comprendre comment fonctionne l’IA, les enjeux liés à la blockchain, pour ne citer que deux exemples », précise Myriam Brunel.
Pour cela, les équipes juridiques n’ont pas d’autre choix que de se former, d’acquérir de nouvelles connaissances. Elles doivent aussi pouvoir s’appuyer sur les ingénieurs, en entretenant avec eux des relations de confiance. Et si la réglementation peut être considérée comme un frein à l’innovation, il est important que les équipes opérationnelles prennent conscience des enjeux, des risques comme des opportunités liées à la réglementation. « Il faut pouvoir faire comprendre aux équipes que l’on ne peut pas faire n’importe quoi et, pour cela, parvenir à rendre les enjeux juridiques accessibles, compréhensibles de tous. A cet égard, d’importants efforts de communication doivent être réalisés. De cette manière, on peut s’assurer que les exigences seront prises en compte, à travers l’adoption de mesures opérationnelles adéquates », commente la directrice.
Des opportunités au-delà des contraintes
Dans le domaine de l’innovation, le service juridique a tout intérêt à favoriser le dialogue avec les autorités de régulation. « Sur des projets importants, comme le lancement de nouvelles offres impliquant des investissements conséquents, il est important de requérir l’avis du régulateur, quand cela est possible. De cette manière, nous pouvons aider le business à mettre en œuvre des solutions adaptées, conformes, qui répondent aux besoins du marché », assure la responsable juridique, évoquant notamment la mise en œuvre de la plateforme cloud déconnecté Clarence, à travers une joint-venture avec LuxConnect. « De nombreuses dimensions juridiques entrent en ligne de compte pour un tel projet, poursuit-elle. Au-delà des aspects de résilience et de préservation de la confidentialité de la donnée, il faut tenir compte des termes du partenariat avec Google, du fonctionnement de la technologie, mais aussi du droit à la concurrence. Dans cette optique, nous avons bénéficié de toute l’attention du régulateur, curieux de savoir comment allait s’articuler la solution, qui permet à nos clients de continuer à innover, d’accéder à des solutions technologiques avancées, dans le respect des nouvelles exigences réglementaires qui s’imposent à eux. »
Chez Proximus comme chez ses clients, le département juridique devient ainsi un catalyseur de performance, capable de transformer les contraintes réglementaires en opportunités business. Et dans un environnement appelé à se durcir encore, la capacité à bien aborder ces exigences devient un atout stratégique.
L’IA en support des services juridiques
Au sein de Proximus Luxembourg, le département juridique compte quatre personnes pour 850 membres du personnel. « J’ai trois collaborateurs à mes côtés, qui m’aident à répondre à l’ensemble des enjeux juridiques auxquels notre organisation est confrontée », assure Myriam Brunel.
Au regard des défis — du conseil à la rédaction des documents, en passant par la négociation des contrats, la veille juridique et la formulation des recommandations liées aux nouvelles exigences réglementaires —, le travail ne manque pas. Afin de mener à bien ces tâches, l’équipe peut heureusement s’appuyer sur des relais au sein des départements, avec lesquels elle entretient un dialogue régulier.
La technologie, notamment l’IA générative, constitue également un nouvel allié de la fonction juridique en entreprise. « Nous avons adopté ces outils, qui nous soutiennent dans la rédaction de documents. Souvent, l’intelligence artificielle générative permet d’établir la base d’un contrat ou d’une lettre d’intention, explique la responsable juridique. Dans cette optique, nous avons déployé des solutions d’IA dans notre propre environnement informatique sécurisé, afin de garantir la confidentialité des informations. L’IA nous accompagne dans la rédaction en fournissant un premier jet, des documents types. À nous ensuite de poursuivre le travail à partir de nos connaissances, de notre intelligence humaine et de notre compréhension du contexte, toujours indispensables pour veiller aux intérêts de l’entreprise. »
Au cœur des départements juridiques, l’IA devient de plus en plus un outil de productivité incontournable.
